« Mon nom est Sadia, j'ai 16 ans et j'habite un petit village près de Dhaka, au Bangladesh.
Mes parents m'ont mariée de force à 14 ans à Sumon, de 4 ans mon aîné, que je ne connaissais pas. Ensemble, nous avons eu une petite fille, Habiba, qui a aujourd'hui 8 mois.
Cela s'est produit quand j'étais en 5ème, lorsque mes parents m'ont annoncé que j'allais quitter l'école. Il ne me restait que 2 ans avant d'avoir mon diplôme et j'adorais étudier. Je voulais devenir enseignante.
Ce n'est que 5 jours après avoir quitté l'école que ma grand-mère me donna la véritable raison de ma déscolarisation : j'allais être mariée.
J'étais choquée et dévastée par cette nouvelle, mais je suis restée silencieuse.
Mes amis jouaient en face de notre maison, et j'ai compris que c'était la fin des bons moments à jouer ensemble. À partir de maintenant, j'allais devoir travailler dur pour prendre soin de ma famille.
Je n'ai pas rencontré mon mari avant le mariage, mais on m'a dit que c'était un homme bien, qu'il travaillait dur et n'était pas de ceux qui restaient à la maison à ne rien faire. Mais j'avais peur, je ne savais pas ce qui était espéré de moi en tant qu'épouse.
Pendant mon mariage, alors que nos invités mangeaient, on nous emmena, mon mari et moi, dans notre nouvelle chambre pour la cérémonie officielle. On nous assis sur le lit et on nous donna du riz et du lait, comme le veut la tradition. C'était la première fois que je le voyais.
Quand on s'est retrouvés seuls, les premiers mots qu'il me dit furent d'arrêter de pleurer.
La nuit suivante, j'eus ma première relation sexuelle. Le matin, je me suis réveillée avec des douleurs et j'ai beaucoup pleuré, je faisais le deuil de ma liberté perdue.
À l'époque, je ne savais pas comment on faisait des enfants. Alors, quand mes menstruations se sont arrêtées et que je commençais à me sentir mal, j'ai demandé de l'argent pour aller à l'hôpital. Là, on m'a annoncé que j'étais enceinte de trois mois.
Je me demandais comment je pouvais être enceinte alors que je n'étais qu'une enfant !
Tout se compliqua vers la fin de ma grossesse : mon bébé arrêta de bouger dans mon ventre, et à l'hôpital, un médecin m'annonça que, du fait de ma grossesse précoce, il n'y avait plus de liquide amniotique, et que si j'accouchais chez moi, ni le bébé ni moi ne survivraient. La réalité fut brutale.
Heureusement, quand mon mari l'appris, il fit tout pour que j'accouche sous césarienne à l'hôpital, et Habiba naquit en bonne santé.
Aujourd'hui, ce qui m'inquiète le plus, c'est que ma fille puisse être mariée aussi jeune que moi. En tant que mère, j'espère avoir de l'influence sur la vie de ma fille. C'est pourquoi je mets tout en œuvre pour faire passer le message que l'on doit arrêter les mariages précoces, et que les grossesses précoces sont dangereuses pour la santé des filles et un frein à leur éducation ».