« Cher journal,
J’ai tellement peur ! Tout à l’heure, maman m’a dit qu’elle m’emmènerait demain soir dans un autre village pour que je sois excisée. Ce n’est pas le mot qu’elle a employé mais je sais que c’est ce qu’elle voulait dire. Elle a dit que j’allais être « purifiée », et que je devais conserver ma chasteté et ma propreté. À l’école, j’ai appris qu’il n’y a pas de lien entre la chasteté et l’excision (et que c’est même interdit par la loi), mais maman a commencé à s’énerver et à dire que c’est une tradition importante. J’étais juste en train de répéter ce qu’on m’apprenait à l’école, mais papa a stoppé la conversation. Il a dit que ça faisait partie de nos croyances et m’a envoyée dans ma chambre. Je ne sais pas pourquoi il pense ça : à l’école, ils ont dit que ce n’était pas du tout pertinent.
Pourquoi mes parents veulent-ils me faire subir une chose si dangereuse ?
Mon amie Yassmin a été excisée, mais elle n’aime pas en parler. C’était il y a 2 ans. Tard dans la nuit, sa mère l’a emmenée chez le docteur. Elle ne savait pas où elle allait avant qu’elle ne voie d’autres filles crier, pleurer et toutes tâchées de sang. Elle a dit qu’il y avait du sang partout. Ça a dû être tellement effrayant pour elle d’être confrontée à ça. Je sais qu’elle est toujours traumatisée par cette expérience.
Yassmin dit qu’elle ne se souvient pas beaucoup de ce moment, mais elle regarde tout le temps dans le vide quand elle dit ça, parfois elle tremble. On ne l’a pas vue pendant plusieurs semaines après qu’elle ait été excisée. La sœur de Yassmin nous a confié que sa famille n’avait pas les moyens d’acheter l’anesthésique. Je ne peux même pas imaginer la douleur qu’elle a dû ressentir. Si je dois passer par là, j’espère que nous aurons assez d’argent pour apaiser ma douleur.
Yassmin n’a jamais plus été la même. Nous aimions rêver ensemble à toutes les choses que nous allions faire quand nous serions grandes. Nous voulions toutes les deux écrire des livres de science-fiction, mais elle n’a plus le même enthousiasme. Elle me manque vraiment !
Une rumeur dit qu’une fille est morte à cause de son excision l’année dernière. Je ne veux pas que ça m’arrive ! Il y a encore tellement de choses que je veux faire. Plus que tout, j’aime écrire – qu’adviendrait-il si je ne pouvais pas publier mes histoires ?
Je voudrais pouvoir voyager dans le temps et connaître une époque où les gens ne pensent pas que l’excision est quelque chose de normal. Je sais que dans d’autres régions du monde ça ne se fait pas et j’aimerais qu’ici non plus.
Pourquoi mes parents veulent-ils me faire subir une chose si dangereuse ? Je suis si triste. Une autre copine, Heba, a changé l’avis de ses parents parce qu’elle a réussi à les persuader d’aller à une séance de sensibilisation qui informe sur les dangers de cette pratique ; je pense que je n’ai pas beaucoup de chance que cela m’arrive.
Si jamais j’ai des enfants, je ne veux pas qu’ils se sentent comme ça. Je n’emmènerai jamais ma fille se faire exciser – je ne voudrais pas qu’elle ait le même sentiment de peur qui me noue l’estomac. Et si j’ai un fils, je lui dirai qu’il est de son devoir de contribuer à l’éradication de ces pratiques en Égypte.
Tu sais quoi ? Plus j’y pense, plus je suis déterminée à ne pas y aller. Demain soir je ne sortirai pas de ma chambre et s’ils essaient de rentrer et de me forcer, je sauterai par la fenêtre et courrai le plus loin possible. Je ne veux pas qu’ils me fassent subir ça ! Je ne les laisserai pas faire ! »
Fatima
Cet article est une fiction, basé sur la réalité à laquelle des millions de filles en Égypte sont confrontées chaque année
Notre organisation agit pour sensibiliser leurs familles, défendre leurs droits et les accompagner dans leur combat. Nous agissons pour que toutes les filles puissent apprendre, diriger, décider et s’épanouir. Les filles sont la clef du changement, rejoignez leur mouvement.