À 14 ans, Helena doit être dans les champs plutôt qu’à l’école
A Rumbek, dans la région des Grands Lacs au Soudan du Sud, les barrières à l’éducation des filles sont nombreuses. Beaucoup de familles vivent dans la pauvreté et ne peuvent pas payer les frais de scolarité. Enfermées dans un rôle traditionnel, les filles doivent en plus consacrer beaucoup de leur temps aux tâches ménagères. À 14 ans, Helena n’a jamais été à l’école, elle doit passer ses journées à surveiller les vaches du troupeau familial.
« Je suis de l’ethnie Nyang et je suis née à Abear. Je suis arrivée à Rumbek il y a un an car notre famille était menacée par des gens d’une autre ethnie. Nous avons dû quitter notre maison et laisser tous nos vêtements et nos outils derrière nous, tout ! Nous avons aussi perdu une partie du troupeau, presque 50 vaches au total. Les gens se battaient partout autour de notre maison. J’étais terrifiée. Mon oncle et mon cousin sont morts, il se sont fait tirer dessus en voulant protéger notre troupeau.
Nous sommes venus ici en famille. Nous sommes 6 avec ma mère, mes 3 frères et mes 2 sœurs. Mon père était malade, il est mort juste après que nous soyons arrivés ici. Nous ne pouvions pas payer pour des médicaments. J’avais 2 autres frères qui sont aussi morts parce que nous ne pouvions pas leur payer de traitement.
Je n’ai jamais été à l’école parce que je suis en charge de nos vaches.
Quand je repense à l’endroit où nous vivions avant, je me sens mal. Je me sens plus en sécurité ici, c’est chez nous maintenant. Je veux rester ici, au moins je me sens en sécurité.
Je n’ai jamais été à l’école parce que je suis en charge de nos vaches. Nous en avons 20. Aucun de mes frères et sœurs ne vont à l’école non plus, il n’y a personne pour payer les frais.
Nous mangeons une fois par jour, généralement du porridge et des légumes. Ce que je préfère c’est le lait, je dois traire les vaches tous les matins et tous les soirs pour en avoir. Il y a des jours où nous ne mangeons pas du tout, il n’y a pas de nourriture. Quand ça arrive j’ai faim, je me sens fébrile, je tremble et je n’ai plus d’énergie. J’ai mangé hier mais pas aujourd’hui, il n’y avait plus rien. »
Mon seul espoir pour le futur c’est de pouvoir aller à l’école
« Je veux aller à l’école mais il n’y a aucun moyen pour moi d’y aller. Je ne m’inquiète pas encore d’être mariée parce que je suis jeune mais j’espère ne pas être mariée de force. Pour l’instant, ce qui m’inquiète le plus c’est de savoir chaque jour si nous pourrons manger.
Je me réveille tôt : avant le lever du soleil, à 6h. J’emmène paître le troupeau dans notre champ, je reste dehors toute la journée à les surveiller puis je les ramène chez nous le soir pour les traire. Après la traite, je les emmène paître de nouveau avant de rentrer pour la nuit.
Je dois rester avec le troupeau jusqu’à ce que je le ramène à la maison. Souvent, j’ai peur que quelqu’un essaie de voler des vaches. Ça m’est déjà arrivé une fois, j’ai dû courir jusqu’à la maison et revenir avec des soldats qui nous ont aidé à récupérer nos bêtes.
L’année dernière, la sécheresse a été très dure, c’est à ce moment que notre troupeau a été attaqué. Il y a encore de la sécheresse cette année mais elle n’est pas aussi terrible que l’année dernière.
J’aime jouer avec mes amis mais je ne peux pas souvent les voir puisque je garde les vaches toute la journée. Nous nous asseyons tous ensemble pour parler, parfois nous jouons au foot en courant dans tous les sens. Nous n’avons rien d’autre avec quoi jouer.
Je n’ai qu’une robe, à côté de ce que je porte sur moi. Je la mets quand je vais au marché. C’est une robe spéciale. Ma mère a dû vendre du bois qu’elle avait ramassé pour pouvoir me l’acheter.
Mon seul espoir pour le futur c’est de pouvoir aller à l’école. Si je pouvais changer une chose dans ma vie, ce serait de pouvoir aller à l’école et de ne plus avoir à passer mes journées à surveiller les vaches. »