Je lui faisais confiance et j’ai accepté
« Je m’appelle Sharmila, j’ai 21 ans. J’ai été esclave à Dubaï pendant 11 mois.
J’avais 16 ans quand une amie de ma sœur m’a demandé si je voulais aller vivre à l’étranger. Elle m’a dit qu’elle s’occuperait de tout, me ferait des faux papiers. En retour, je devais en parler à personne. Je lui faisais confiance et j’ai accepté.
Très vite, j’étais perturbée, je ne savais pas où j'allais. Un homme m'a emmenée de mon village népalais à la frontière indienne, un autre à Calcutta et un autre à New Delhi. C’était toute une chaîne.
C’est à Calcutta qu’on m’a dit que j’allais à Dubaï pour travailler dans une maison et m’occuper de deux enfants.
A l'aéroport de New Delhi, les agents de sécurité me disaient que je ne ressemblais pas à la photo de mon passeport et que mon âge ne correspondait pas à mon apparence. J'avais peur qu'ils me mettent en prison. Ils m'interrogeaient encore lorsqu'un homme est venu leur signer un papier. Ensuite, ils m’ont laissée passer.
Je suis arrivée à Dubaï, toute la famille était à la maison. Les parents, les quatre frères et leurs femmes. Un des frères avait aussi des enfants.
Je ne pouvais pas partir avant d’avoir remboursé ma dette
Ils ont refusé que je parte car ils avaient payé pour moi
J’ai commencé à travailler tous les jours et pas seulement chez la famille.
Quand la propriétaire de la maison se rendait chez ses parents, elle m’emmenait avec elle pour que je travaille. Je devais l'accompagner partout. Je portais les sacs de courses, je travaillais pour ses sœurs, je m’occupais des enfants.
Ils ne me donnaient pas de temps pour manger. J'étais débordée.
Pour les deux premiers mois de travail, j’ai reçu 700 dirhams (environ 160 €), après plus rien. La propriétaire me criait dessus.
Un jour, le grand frère a essayé de me toucher. J'ai dit non, mais il a quand même essayé de me faire du mal. Il m'a donné de l’argent et m'a menacée pour que je n’en parle à personne. Je me sentais très mal et j'avais peur.
J’ai fini par tout raconter à la femme du plus jeune frère. Elle était gentille avec moi. J'avais peur qu’on me rapproche de n’avoir rien dit. Pour eux, je n'étais qu'une bonne.
La femme du frère a rapporté l’histoire à la famille. Ils m’ont sermonnée. Ils ont refusé que je parte car ils avaient payé pour moi (1 800 €). Tant que je ne remboursais pas cet argent, je n’irais nulle part.
On m'a exploitée sexuellement et je suis tombée enceinte
J’avais peur qu’il me tue
Je pensais que tout était de ma faute. Au bout du huitième mois, le plus jeune frère m'a exploitée sexuellement et je suis tombée enceinte.
Sa femme l’a découvert et m'a conduite chez le médecin. Je n'avais aucune idée de la façon dont les filles tombaient enceinte, j’étais choquée. Je n’ai pas pu lui dire qui était le père. J’avais peur qu’il me tue.
Je suis allée en prison, enceinte de 8 mois
Je pleurais tous les jours
Après presque 11 mois, ils m’ont renvoyée au Népal. À l'aéroport, les agents de sécurité ont découvert que mon passeport était un faux. Ils m'ont envoyée en prison à Dubaï. J’y suis restée quatre ou cinq mois.
J'étais enceinte de huit mois. Je pleurais tous les jours. La nourriture était mauvaise, je ne pouvais plus manger du tout. Il faisait froid et je suis tombée malade.
Un jour, une femme dans la cellule d’à côté a entendu mon histoire et m'a donné de l'argent pour mon billet. Entre temps, les policiers avaient traité mon dossier.
Grâce à elle, j’étais libre, j’ai pu retourner au Népal.
J’ai fait une fausse couche car je souffrais d’anémie
Ma famille avait pu prévenir une association qui m’a hébergée.
Une nuit, j’ai été emmenée d’urgence à l'hôpital car du sang avait coulé sur mon lit.
J’ai fait une fausse couche avant d’y arriver. C'était horrible. Les médecins m’ont expliqué que je souffrais d’anémie.
J’ai mis longtemps à raconter mon histoire.
J’ai mis longtemps à raconter mon histoire. J’ai pu me libérer grâce à des groupes de paroles. Pour moi, les filles ne doivent pas partir si jeunes à l’étranger.
Elles ne sont pas assez informées, il pourrait leur arriver la même chose qu’à moi. Le plus important, c’est qu’elles fassent des études, dans leur pays.
Plus tard, je veux travailler dans le social pour mettre fin à la traite des êtres humains ! »
Mettre fin à la traite des filles au Népal
Plan International travaille avec les communautés qui vivent au bord de la frontière entre le Népal et l’Inde, là où les filles sont les plus vulnérables aux dangers de la traite.
Nous sensibilisons les filles et leur apprenons à se protéger contre ce fléau.
Nous formons aussi des jeunes militantes qui vont elles aussi dans les villages pour informer les adolescentes et leurs parents.