Le 3 février 2018, j’ai eu l’honneur de participer à une conférence tenue par l’association GAMS (Groupe femmes pour  l’Abolition des Mutilations Sexuelles féminines et des mariages forcés) à l’occasion de la journée internationale « Zéro tolérance aux mutilations sexuelles féminines » autrement dit MSF/MGF ou excision. Cette conférence avait pour thème l’excision en Guinée-Conakry et dans ses diasporas en Europe.

L’association avait à ses côtés quelques personnalités dont :

Je vous invite à me suivre pour en connaître un peu plus sur ce sujet tabou qu’est l’excision.

Pourquoi l’excision ? Pourquoi la pratique-t-on?

Aujourd’hui, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), on compte plus de 120 millions de femmes excisées dans le monde.

Cette pratique ancestrale et barbare, comme le dirais le Dr Cissé, vise à mettre sous contrôle le sexe féminin. Orchestrée par les hommes, elle est supposée avoir de multiples vertus : une apparence plus esthétique du sexe ou même une « meilleure fertilité ».

La raison principale pour laquelle elle est pratiquée est la préservation de la chasteté de la femme. En effet, comme le clitoris, organe de plaisir de la femme, est retiré, la femme a moins de chance de commettre l’adultère sachant qu’elle ne connait pas le goût du plaisir charnel. Il faut savoir que dans certains pays comme en Guinée, les hommes peuvent effectuer de longs voyages pouvant durer plus de 6 mois pour des raisons économiques. C’est une sorte de garantie pour eux que leurs femmes resteront « tranquilles » durant leurs absences : une manière pour eux de la dominer et de l’avoir sous contrôle même en étant loin.

Ce sont les femmes qui perpétuent cette tradition, dans le souci de l’éducation de leurs filles, sous forme de rites. Elle est généralement pratiquée entre 3 et 8 ans. Cet acte barbare est considéré comme un passage de la fille à l’état de femme, un passage obligatoire. La femme sortant de ce rite est représentée comme une femme en état de pureté.

A la fin de ce rite, une grande fête est organisée en l’honneur des filles devenues femmes où on leur offre des cadeaux et on danse pour elles. Elles sont honorées. Ces fêtes grandioses et toutes les promesses faites par les mères encouragent les filles insouciantes à y aller. Mais elles sont vite frappées par la réalité quand elles entendent le cri assourdissant de leur camarade de route et lorsqu’elles découvrent ce qui se passe sous la tente.

Des conséquences désastreuses sur la santé de la femme

Elle a de multiples conséquences tant au niveau psychologique que physique et peut même entraîner la mort.

En effet, la grande majorité des femmes excisées sont sujettes à des dépressions, un rejet de soi et/ou un profond traumatisme de ce qu’elles ont vécu. Prenons l’exemple d’un témoignage émouvant et courageux d’un membre du public lors de la conférence :

« […] Moi, je suis une femme excisée. Je l’ai mal vécu et je le vis mal encore. J’ai été excisée deux fois : la première fois, je devais avoir 8 ou 9 ans quand j’ai été excisée à la capitale à Conakry. Les gens du village ont jugé que l’excision avait été mal faite car on me l’avait faite à la capitale. Alors un an après, je me suis rendu au village pour me faire re-excisé et ça m’a traumatisé […] Je n’oublierais jamais ce jour ».

Les mutilations génitales féminines (MGF) étant faites sans anesthésie, elles restent marquées dans la mémoire de ces femmes. Les rapports sexuels sont quant à eux très douloureux pour la femme qui ne prend aucun plaisir durant l’acte : « Vous, homme, cela ne vous fait pas mal de voir votre femme pleurer lors de vos rapports, cela ne vous fait pas mal de la voir pleurer ? » dit, indignée, une des invités.

Dans certains cas, comme l’infibulation, une réouverture avec une lame est impérative pour la pénétration avant l’acte.

Mais l’une de ses conséquences majeures a lieu lors de l’accouchement. Certaines femmes excisées sont dans l’impossibilité d’accoucher par voie basse et doivent avoir recours à la césarienne. Mais que dire de ces femmes excisées qui vivent dans ces villages où la césarienne est inconnue ? Comment font-elles pour faire sortir leurs bébés. Le risque est majeur car la femme risque de mourir avec son enfant.

« […] elle vivait sa première grossesse à 50 ans et elle n’a pas pu être sauvé, elle et son enfant, car il était impossible de faire sortir le bébé. »

Les conséquences de cet acte qualifié de « crime contre l’humanité » sont multiples engendrant un vaginisme, des infections urinaires dues à la non stérilisation des outils pour pratiquer ou encore la stérilité.

Mais pourquoi les femmes continuent d’exciser alors qu’elles ont conscience des conséquences ?

C’est une norme sociale : si tu n’es pas excisée, tu n’es pas une femme ! La pratique de la MGF est une partie intégrante de l’éducation des filles. Il est donc « normal » que des femmes soient excisées. Malgré les consciences qui commencent à se réveiller sur les conséquences dévastatrices de l’excision, les femmes sont dans l’obligation de la pratiquer sous la pression de la société.

Les femmes non-excisées sont victimes de rejet et de stigmatisation car il est compliqué pour elles de s’intégrer. Elles sont considérées comme des filles ayant une mauvaise éducation et de mœurs légères, comme des femmes qui rejettent la tradition, leur identité au profit de la civilisation occidentale : des « vendues ».

Elles sont surtout rejetées pas les hommes qui ne souhaitent absolument pas les épouser avec la peur de se faire, un jour, « cocufier ».

Des femmes non excisées, n’acceptant pas leurs états, vont jusqu’à demander une excision pour être acceptée par leurs maris et la société.

« Dois-je exciser ma fille ou non : si je l’excise pas, elle ne trouvera peut-être jamais de mari mais si je l’excise, elle me détestera surement ».

Voilà l’enjeu auquel sont confrontées les femmes guinéennes. La pression est trop grande à supporter par les mères et certaines n’ont pas le choix. Des membres de la famille, complices des exciseuses, peuvent kidnapper l’enfant pour l’emmener se faire exciser sans que la mère ne soit au courant ni même d’accord.

Comment faire pour ne pas exciser sa fille dans un pays où 96% des femmes le sont ?

Qu’en est-il de l’excision en Guinée ?

Selon l’UNICEF, aujourd’hui, en Guinée, il y a 96 % femmes excisées dont 96.8 % en zone urbaine et 97 % en zone rurale. Le type de MGF le plus pratiqué est de type 2 (ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres) avec 84 % de femmes victimes entre 15 et 49 ans.

Pourtant, dans les années 90, la Guinée comptait 50 % de femmes excisées comparé à aujourd’hui. Mais que s’est-il passé ? On assiste à une recrudescence de la MGF et des mentalités.

La MGF est un sujet tabou et très sensible pour la population. Il faut savoir qu’il est compliqué de parler de l’excision car c’est un sujet tabou. La population guinéenne est relativement réticente sur ce sujet. Les « guerriers » anti-excision sont vite persécutés et qualifiés « d’endoctrinés par les occidentaux ». Les exciseuses ne veulent pas abandonner cette pratique non stérilisée car elle est source de revenu.

Comment faire pour lutter contre ce fléau dans ce pays où la population est très attachée à ses traditions ?

Comment agit-on pour lutter contre la MGF en Guinée ?

Sensibilisation, sensibilisation, sensibilisation est le mot d’ordre. Cette sensibilisation stratégique vise en particulier les personnes influentes dans ces traditions comme les chefs de village, les imans et les exciseuses. La sensibilisation est le moyen de lutte le plus utilisé. Elle est présente à travers des publicités ou des interventions dans les villages sous forme de pourparlers.

Plusieurs idées et actions sont mises en place comme la reconversion professionnelle des exciseuses. Certaines familles ont même décidé avec la complicité du corps médical, de pratiquer des « fausses » excisions sur la jeune fille.

Cependant, l’excision est un réel combat en Guinée. Malgré les textes législatifs mis en place pour restreindre cette pratique, certaines femmes continuent à la perpétuer à l’abris des regards.

Engageons-nous pour un monde meilleur, pour un monde où la FILLE a sa place !

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