Les effets du réchauffement climatique se font déjà ressentir sur la vie des enfants dans les régions rurales du Cambodge. L’assèchement des terres a forcé de nombreux agriculteurs et agricultrices à migrer. À la recherche d’un travail, beaucoup ont été contraint·e·s de laisser leurs enfants seuls à la maison.

C’est le cas de Tein, 19 ans, et de son frère Narin, 14 ans qui vivent seul·e·s depuis plus de 10 ans après que leurs parents sont allés chercher du travail en Thaïlande.

Des enfants livrés à eux-mêmes

Tein est la seule fille de son village à aller à l’école, elle nous raconte que contrairement à elle « d’autres filles ont quitté l’école après la 6e année et sont déjà mariées ».

Tein est une jeune fille très débrouillarde pour son âge. Elle se déplace à mobylette pour aller à l’école et vit dans une petite cahute de quelques mètres carrés. Un morceau de tissu usé fait office de séparation entre la cuisine et le couchage de Tein et de son petit frère. Chaque jour, en rentrant de l’école, Tein s’empresse de préparer un repas à base de riz pour Narin.

Cela fait maintenant 10 ans qu’ils vivent seuls. Quand Tein avait 8 ans, ses parents sont partis à la recherche d’un travail au-delà des frontières cambodgiennes, comme beaucoup d’autres parents du village. Leurs conditions de vie en Thaïlande sont si modestes qu’ils ont été obligés de laisser leurs enfants ici. 

Une fois toutes les deux ou trois semaines, la grand-mère de Tein et de Narin passe la nuit avec eux. « Au début, il était difficile de prendre soin de mon frère toute seule, mais je m’y suis habituée maintenant », nous raconte-t-elle.

Leurs parents reviennent à la maison une fois par an, lors du nouvel an khmer. Le reste du temps, la famille reste en contact par téléphone. Parfois, ils envoient à Tein un peu d’argent pour acheter de la nourriture.

« Maman et papa me manquent plus qu’avant. Mais aujourd’hui, je comprends à quel point c’est difficile pour eux d’être des travailleurs immigrés », se confie-t-elle.

La menace de la sécheresse 

La communauté de Tein a toujours lutté contre la pauvreté et la sécheresse, mais les problèmes se sont aggravés au cours des 10 dernières années et de plus en plus de personnes ont été contraintes à chercher du travail en ville ou à l’étranger.

La faute au réchauffement climatique. La saison sèche est de plus en plus longue et chaude, les agriculteurs et agricultrices n’arrivent plus à récolter le riz 2 fois par an comme auparavant. 

« Je dois partir avant 5 heures du matin pour aller chercher de l’eau au puits. Si ce n’est pas le cas, les autres m’en voudront et le puits sera sec pour le reste de la journée », nous explique Tein.

L’éducation des enfants en péril 

Le réchauffement climatique a également aggravé la saison des pluies. Les inondations et les tempêtes imprévisibles ne cessent d’augmenter. Souvent, l’eau entre dans la maison de Tein et de Narin et il arrive que l’eau dégrade leur nourriture et leur provoque des maladies contagieuses. Ils ont tous deux souffert de fièvre et de diarrhée à plusieurs reprises.

Par ailleurs, lors des pires épisodes de pluies, il est difficile pour eux de se rendre à l’école. Il est déjà arrivé que les inondations bloquent la route pendant plus de 2 semaines. De temps en temps, l’école doit fermer lorsque l’eau inonde les salles de classe.

Aujourd’hui, la saison sèche et chaude, durant laquelle les températures avoisinent les 40 degrés, est sur le point de se terminer. « Je suis très inquiète. Les problèmes causés par le réchauffement climatique sont déjà très graves. Que va-t-il se passer dans le futur ? », se demande Tein.

En fin d’après-midi la jeune fille doit terminer ses devoirs. De temps en temps, elle est autorisée à utiliser la table chez ses voisins car leur cabane ne dispose d’aucun meuble. Souvent, elle doit se lever très tôt pour finir ses devoirs, car les tâches ménagères lui prennent beaucoup de temps.

Mais malgré tous les défis auxquels Tein doit faire face au quotidien, c’est l’une des meilleures élèves de sa classe. « La situation de ma famille m’encourage à étudier. Je veux aider mes parents à rentrer chez nous et à s’en sortir. Je veux aussi aider ma communauté. C’est pourquoi je veux étudier et devenir enseignante pour retourner dans mon propre village. »

« Cela me rend triste que tant d’enfants, et en particulier les filles, doivent abandonner l’école. Je serai une bonne enseignante et j’encouragerai les enfants à continuer d’aller à l’école », exprime-t-elle avec détermination.

Les enfants et les jeunes se mobilisent face au réchauffement climatique

Tein est déjà une leadeuse pour de nombreux enfants. Elle dirige un club d’enfants créé par Plan International où enfants et jeunes apprennent leurs droits et peuvent discuter de sujets importants, comme l’adaptation face au réchauffement climatique. 

Le groupe utilise le théâtre de rue pour diffuser plus largement son message. Leurs jeux sur les conséquences de la consommation des drogues et de l’alcool, ainsi que sur l’impact du réchauffement climatique sont très populaires. Le théâtre de rue éducatif est un formidable moyen pour transmettre des informations dans une communauté où beaucoup ne savent pas lire.

La jeune cambodgienne est également membre régulière des réunions du conseil de village où elle présente les inquiétudes des enfants. La dernière fois, elle a parlé au chef de village de la pénurie d’eau qui affecte particulièrement les filles. Pour arranger la situation, la jeune leadeuse a proposé un projet visant à creuser un étang artificiel afin que les familles aient de l’eau même pendant la saison sèche.

La mise en route de ce projet va demander de la détermination, mais Tein pense que la jeune génération peut et doit faire partie de la solution. « Les enfants et les jeunes sont une ressource importante. Nous pouvons les aider à trouver des solutions aux problèmes communs, même aux effets du réchauffement climatique. »

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