C’est à nous les grand-mères de décider si nous excisons nos petites-filles

Grand-mère, Alima, 70 ans, est mariée au frère ainé du chef de son village du Mali. Elle a grandi dans un des villages alentours, mais une fois mariée, les filles et les femmes vont traditionnellement habiter là où vivent leurs maris. Aujourd’hui, sa petite fille Awa est en âge d’être excisée. Grâce aux actions de sensibilisation de Plan International, Alima sait maintenant que la pratique est néfaste et peut dire non à l’excision d’Awa. Elle et sa belle-fille témoignent de l’excision pratiquée dans son village sur les filles pour « sauver leur virginité et rester fidèle à leurs maris ».

« C’est charmant de vivre dans un village, c’est tellement paisible et agréable ici. On se lève à 4 heures du matin, nous mangeons un peu et allons travailler dans les champs où nous cultivons du millet, des cacahuètes et du gombo. Maintenant que je suis âgée, je n’ai plus à aller travailler dans les champs. Derrière la maison, on fait pousser des laitues, des concombres, des tomates, des aubergines et des oignons. Pour ça, j’aide toujours. 

Dans le passé, les parents faisaient couper les parties génitales de leurs filles entre 5 et 14 ans, du moment que cela se passe avant qu’elle soit mariée. Cela arrivait souvent vers 16 ans, mais aujourd’hui elles sont encore plus jeunes. Pourquoi les filles sont excisées ? Je trouve que c’est trop embarrassant de parler de ça, c’est pour ça que je n’en parle jamais à personne. Mais le but d’exciser une fille est de s’assurer qu’elle se comporte correctement, sauve sa virginité jusqu’à ce qu’elle soit mariée et qu’elle reste fidèle à son mari

« J’avais 7 ans quand j’ai découvert que j’étais excisée. » 

Quand j’étais petite, on a fait une grande fête pour célébrer l’excision. Toutes les filles du village furent amenées, portant uniquement un batik autour de la taille et un grand châle. Après la cérémonie, elles ne portaient plus de vêtements. Je ne me souviens de presque rien de cette journée, c’était il y a tellement longtemps. Je devais avoir pas loin de 5 ans, mais je me souviens qu’on a apprécié le bon repas qu’il y a eu après la cérémonie, où il y avait une soupe délicieuse. Mes parents m’ont même donné de nouveaux vêtements. 
Je n’ai eu que des garçons donc j’ai été épargnée de devoir prendre la décision d’exciser une fille ou non, mais je l’aurai probablement fait. Je pense que ça a toujours été une tradition qui se perpétue. »

La belle-fille d’Alima, Fatoumata, 25 ans, a, elle aussi, été excisée à un jeune âge : « Je viens aussi d’un village aux alentours. Quand j’avais 16 ans, je me suis mariée avec le fils d’Alima et je suis venue vivre ici. Je n’ai pas le moindre souvenir d’avoir été coupée. J’étais très jeune ; je ne sais même plus quel âge j’avais. Mais j’avais 7 ans quand j’ai découvert que j’étais excisée, donc ça a dû avoir lieu quelques années auparavant. 
Ma mère me l’avait dit, mais j’avais déjà réalisé qu’il manquait quelque chose à mon corps, là, en bas. Ils m’ont fait une excision du deuxième type, ce qui veut dire que le clitoris et une partie des lèvres supérieures ont été coupés. C’est le type le plus commun d’excision par ici. »

La fille de Fatoumata, Awa, a 6 ans, et la décision d’avoir à l’exciser ou non devra bientôt avoir lieu. Awa a 2 grandes demi-sœurs, une a 14 ans, et l’autre, qui est déjà mariée, a 16 ans. Ce sont les filles de la première femme du mari de Fatoumata. « La première femme de mon mari est partie, donc ses filles sont mes filles à présent », explique-t-elle. 

« Nous ne parlons jamais des mutilations génitales féminines donc je n’ai aucune idée s’il y a des femmes ici qui ont des problèmes à cause de ça. Ce fut seulement pendant les réunions d’information de Plan International que j’ai entendu parler pour la première fois des possibles complications que ça implique. Apparemment, les femmes peuvent avoir des cystites et des problèmes au moment de l’accouchement.

« Awa, a 6 ans, et la décision d’avoir à l’exciser ou non devra bientôt avoir lieu. » 

Avec du recul, je me dis que l’accouchement de Fatoumata fut très douloureux et a pris beaucoup de temps, mais je ne sais pas si c’est le résultat des complications du fait d’être coupée ou non. Pour ce que j’ai vu sur les photos et en vidéo, les problèmes peuvent même survenir pendant l’excision elle-même. Depuis que j’ai vu ces images, je pense vraiment que les mutilations génitales féminines devraient prendre fin. C’est aussi très douloureux. »

« De nos jours, au lieu d’utiliser la poudre traditionnelle faite à partir de feuilles pour soulager la douleur, les exciseuses utilisent de plus en plus le paracétamol acheté à la pharmacie. Mais l’acte de couper lui-même, qui est fait avec une lame de rasoir, est toujours fait sans anesthésique. »

Alima en vient aussi à la conclusion que les mutilations génitales féminines devraient être reléguées au passé : « Moi aussi je pense que ça doit cesser, ce n’est plus ce que c’était. Dans le passé, les exciseuses venaient de famille de forgeron. Aujourd’hui, n’importe qui peut se proclamer exciseuse, c’est devenu une pratique très commerciale. Ces femmes n’ont que faire du savoir-faire professionnel, d’où les complications. »

« J’en parle régulièrement avec mon mari », nous dit Fatoumata. « C’est lui qui devra payer pour tout : la nourriture, les lames et le paracétamol. C’est sa décision. Il pense comme moi, mais avant qu’il se positionne contre l’excision, c’est essentiel pour lui que sa mère ait la même opinion.
Il ne peut même pas aborder le sujet avec elle, parce que les mères ne parlent pas de ces choses-là avec leurs fils. Il veut que ce soit moi qui lui en parle, pour qu’elle puisse nous donner son accord. Au bout du compte, ce sont les femmes des générations précédentes qui ont à décider de couper les jeunes filles ou non. »

« Il ne faut pas céder et maintenir le dialogue. » 

« C’est comme ça pour tout. Même si personne ne t’écoute et qu’ils poursuivent leurs pratiques, il ne faut pas céder et maintenir le dialogue. Une coutume aussi enracinée ne peut être changée qu’avec de la persévérance », explique Alima. 
Fatoumata pense qu’Awa ressemble beaucoup à sa grand-mère, autant pour son caractère que pour son apparence. Le père d’Awa est maçon et travaille actuellement à un grand projet de construction dans un des villages alentours. 

« Parfois, quand mon mari n’est pas à la maison, je m’installe avec mes voisins pour discuter, et on parle d’un peu tout. On pense la même chose des mutilations génitales féminines. Quand mon mari rentre à la maison, on prend le thé ensemble et on parle de tout ce qu’il s’est passé durant la semaine. »

« Des réunions d’information régulières sont organisées ici au village.  J’ai participé à quelques-unes d’entre elles, mais maintenant je laisse la place aux nouvelles générations, vu que je me retire peu à peu de la vie publique du village », explique Alima. 

« Même à cette époque plus éclairée, les parents trouvent encore ça bizarre d’avoir à parler à leurs enfants de sexualité et de procréation. Je pense que nous, les grand-mères, pouvons jouer un rôle important dans ces discussions. Il y a certaines valeurs que je veux transmettre à ma petite-fille, et je veux qu’elle sache qu’elle ne devrait pas s’offrir au premier homme venu », conclut Alima.

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