En Éthiopie, dans la région rurale d’Amhara où Tejitu vit, 75 % des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans et beaucoup le sont dès l’âge de 12 ans. A 14 ans, Tejitu entend sa famille parler d’une demande en mariage. Mais grâce au club de défense des filles créé par Plan International dont elle fait partie, Tejitu connaît ses droits et elle entend bien les faire respecter.

Ils voulaient une vie meilleure pour moi et estimaient que le mariage était la solution

Le mariage d’enfants est une pratique techniquement illégale en Ethiopie mais à 14 ans, Tejitu, entend, un jour, sa famille parler et planifier son mariage avec un inconnu d’une vingtaine d’années. Aujourd’hui elle a 15 ans et elle nous raconte comment sa famille a d’abord perçu cette demande en mariage comme une opportunité. 

« Mon père était impatient de rencontrer un homme qui pourrait l’aider dans ses travaux agricoles parce qu’il vieillit. Ils voulaient une vie meilleure pour moi et estimaient que le mariage était la solution. Mes parents pensaient que je serais peut-être heureuse de devenir une femme.  Mais ils se trompaient. Je n’étais absolument pas prête à me marier si jeune. Je connaissais les dangers potentiels du mariage d’enfants grâce au club que je fréquente à l’école. »

Pour les familles les plus modestes, marier son enfant représente parfois une porte de secours, c’est une bouche en moins à nourrir et cela peut aussi être une source de revenu lorsque les parents reçoivent des cadeaux de mariage de leur communauté.

J’ai dit à mes parents que je risquais de mourir si je tombais enceinte si jeune

Le club de défense des droits des filles dont fait partie Tejitu a été créé suite à l’initiative conjointe de Plan International et d’autres pays qui œuvrent pour éradiquer le mariage des enfants dans la province de Lasta Woreda, où vit Tejitu. 

Ce club rassemble des jeunes filles et des jeunes garçons qui discutent du mariage des enfants et d’autres pratiques néfastes telles que les mutilations génitales féminines. Ensemble, ils réfléchissent à comment éliminer ces pratiques de leurs communautés. Pour y arriver, ils sensibilisent leurs camarades et leur communauté et s’assurent que chaque fille connaisse ses droits. 

Comme Tejitu, ses amies du club ont également réussi à faire annuler leurs mariages. De gauche à droite : Shumshiva 16 ans, Yekeba 13 ans, Woyzer 14 ans, Tejitu 15 ans, Woyzer 14 ans. 

Grâce à ce qu’elle a appris dans ce club, Tejitu a pu faire valoir ses droits et convaincre ses parents que le mariage était une pratique dangereuse à son âge. « J’ai dit à mes parents que je pouvais mourir si je tombais enceinte parce que mon corps n’était pas encore suffisamment développé », nous raconte Tejitu.

L’une des premières causes de décès chez les filles de 15 à 19 ans

Tejitu dit vrai. À l’échelle mondiale, les complications liées à la grossesse et à l’accouchement sont la principale cause de décès chez les filles âgées de 15 à 19 ans. Déterminée à empêcher ce mariage, elle fait alors appel à ses professeurs et ses ami·e·s du club pour l’aider. Ayant tous et toutes reçu une formation, ils et elles ont décidé de signaler ce cas au groupe de travail local contre le mariage des enfants, formé par Plan International en 2016.

Le groupe de travail a alors rendu visite aux parents de Tejitu et a tenté de les persuader de changer d’avis. « Ce n’était pas facile, car le mariage des enfants est une tradition ancrée ici, mais à la fin, mes parents ont fini par accepter d’annuler mon mariage. J’étais tellement soulagée ! »

Une victoire pour Tejitu

Un pas en avant significatif pour la famille de Tejitu car ses deux sœurs aînées ont été mariées très jeunes. Et comme la plupart des adolescentes mariées du monde entier, elles ont toutes les deux subi des violences domestiques de la part de leurs partenaires. L’une de ses soeurs n’avait que 10 ans lorsqu’elle a été forcée d’épouser un homme de plus de dix ans qu’elle et selon Tejitu, il la battait régulièrement. Son autre sœur a été mariée à ses 17 ans mais a quitté son mari au bout de deux mois parce qu’il était également violent.

Pour convaincre sa mère d’annuler son mariage, Tejitu lui a rappelé à quel point ses deux sœurs avaient souffert d’être mariées aussi jeunes. 
Sa mère nous confie : « Nous avons annulé ce mariage car Tejitu n’en voulait pas. J’aime ma fille, elle est tout pour moi. »

Le père de Tejitu, quant à lui, a décidé de régler ses problèmes d’agriculture autrement : il loue maintenant la terre de la famille au lieu de la travailler lui-même.
Ses parents ont constaté à quel point leur fille et le club dont elle fait partie étaient déterminés à mettre fin au mariage des enfants. C’est une victoire pour Tejitu. Maintenant que ses parents ont abandonné leur projet de l’épouser, ils se tournent plutôt vers son avenir. 

« Aujourd’hui mes parents m’aident dans mes études et je crois sincèrement qu’ils ne me marieraient pas sans ma permission. Je souhaite devenir médecin un jour car j’aimerais travailler avec des femmes malades et les aider à aller mieux », dit-elle confiante.

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