Les besoins humanitaires au Sahel central (Mali, Burkina Faso & Niger notamment) ont atteint des niveaux records : plus de 13,4 M de personnes, dont 7,2 M d’enfants, ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence. Les violences de genre, les mariages d’enfants et les grossesses précoces menacent gravement les filles et les adolescentes qui se retrouvent déscolarisées et traumatisées par la crise. 4 M d’entre elles sont contraintes d’abandonner l’école en raison des attaques de groupes terroristes et de la pandémie de Covid-19.
Leurs expériences et leurs voix restent jusque-là largement négligées.
Après ses rapports sur la situation des adolescentes au Bangladesh (réfugiées rohingya), au Soudan du Sud, au Lac Tchad et au Liban, l’ONG Plan International donne à nouveau la parole aux filles en situation de crise humanitaire dans un 5e rapport inédit: Les filles dans la crise : Voix du Sahel.

Ce que nous constatons

En dehors de l’école, les filles et les adolescentes restent très exposées aux risques de violences domestiques et sexuelles, de grossesses à la suite de viols et de mariages forcés. 

Ce que nous demandons

Les gouvernements doivent impérativement maintenir un accès sécurisé à l’éducation dans les conflits armés et prendre en compte les besoins spécifiques des adolescentes et des filles. Les écouter et les faire participer à la mise en œuvre des réponses d’urgence reste primordial !

En février 2020, 412 adolescentes, 148 adolescents et 151 parents et tuteurs ont été interrogé·e·s au Mali et au Burkina Faso.
L’objectif ? Redonner leur voix à ces adolescentes, restituer leur quotidien et porter leurs recommandations en matière d’aide humanitaire d’urgence. 
Étude menée avec le Centre for Gender & Disaster (UCL) et le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA).

« Les enfants, en particulier les filles, restent les plus affecté·e·s. En situation d’urgence, leurs droits et leurs besoins de base sont fréquemment négligés ou violés. Il faut intensifier les efforts pour  améliorer leurs conditions de vie et protéger les populations vulnérables frappées par cette crise. 
Au Sahel, les obstacles à l’éducation des filles se multiplient : les adolescentes ont plus de difficultés à accéder et à poursuivre leurs études que les garçons de leur âge. 
L’ONG Plan International multiplie les initiatives pour garantir aux enfants un accès à l’éducation, à la santé et à la sécurité alimentaire, tout en luttant contre les violences sexuelles et de genre. Plan International appelle tous les gouvernements et tous les acteurs humanitaires à placer la protection des filles au cœur de leur action et à lutter contre les inégalités de genre
. » 
Fatoumata Haidara, irectrice de Plan International au Sahel.

L’école anéantie

Plus de 4 000 écoles ont fermé en 2020 au Sahel central. Les enfants se retrouvent forcé·e·s de parcourir de longues distances pour trouver d’autres établissements et, fréquemment, de rester loin de chez eux. Une solution inenvisageable pour les parents des filles, tellement le risque de violences pèse sur leur quotidien. 

Les adolescentes témoignent : ce n’est pas seulement le conflit, la pauvreté et l’insécurité qui ont un impact sur leur scolarité, mais c’est aussi la persistance de stéréotypes de genre. Dès la puberté, elles doivent rester à la maison sous le contrôle d’un membre de la famille pour les empêcher de fréquenter des garçons. Et souvent, elles sont données en mariage dès l’âge de 13 ou 14 ans.

La pauvreté oblige les filles et les adolescentes à quitter leur village pour trouver un emploi comme travailleuses domestiques en ville. Plus d’1/3 des filles au Mali (37 %) et au Burkina Faso (34,4 %) déclarent travailler pour gagner juste de quoi survivre dans un contexte où les risques d’attaques terroristes perturbent les marchés locaux et les empêchent de maintenir leur petit commerce.

Les filles sont traumatisées & vivent dans la peur 

1,1 M d’enfants ont été déplacé·e·s de force et vivent traumatisé·e·s  par les actes de violence auxquels ils/elles ont assisté. « J’ai peur la nuit parce qu’il y a des djihadistes. Si je sors, j’ai peur d’en rencontrer un et qu’il me tue », Aicha 19 ans à Bomborokuy, au nord-ouest du Burkina Faso, près de la frontière malienne.

Les filles témoignent : 21 % des filles endurent des comportements agressifs et des insultes répétées lorsqu’elles parcourent de longues distances pour chercher de l’eau. Se procurer des aliments devient impossible face au danger de se rendre dans les champs ou au marché. En contexte de crise, le risque de violences fondées sur le genre, telles que les mariages forcés, le viol conjugal, la violence physique et sexuelle ou l’exploitation sexuelle, augmente*. Les hommes armés et l’insécurité omniprésente compliquent leur accès aux besoins essentiels. Et les écoles fermées, elles se retrouvent sans lieu pour se réfugier et se réunir en sécurité. 

Les écoles prises pour cibles

Depuis 3 ans (2017), le nombre de fermetures d’écoles au Sahel a été multiplié par 7. En cause : les attaques armées contre l’éducation. Les incidents signalés relèvent d’enlèvements, d’incendies criminels, de pillages d’écoles, de menaces et de meurtres d’enseignant·e·s.

Autres conséquences

Plus de contrôle sur leur vie : les adolescentes, enfermées chez elles restent tributaires de leur famille pour les projets qui les concernent : mariage, travail et éducation… autant de décisions prises sans les consulter. 

Accès restreint, voire nul, aux informations sur la santé sexuelle et reproductive. Pourtant, les violences fondée sur le genre, les abus sexuels et les grossesses précoces mettent en péril leur santé : les décès pendant l’accouchement constituent la  2e cause  de mortalité dans le monde chez les filles  de 15 à 19 ans.

Accès limité aux services de santé mentale en particulier. Au Sahel, la santé mentale se détériore en raison de la peur, de l’insécurité et de la violence. En raison de la pandémie de Covid-19, l’accès aux services de santé mentale demeure perturbé, voire interrompu, dans 93 % des pays du monde.

Sans oublier l’insécurité alimentaire

Dans les communautés vulnérables au Burkina Faso, au Mali et au Niger, où la malnutrition constitue un problème chronique, la lutte pour rester en bonne santé n’est pas simple : le nombre de familles confrontées à la faim a triplé depuis 2018.

L’insécurité alimentaire aiguë s’aggrave :

Les enfants, premières victimes de la crise au Sahel

Quelques chiffres : 

Au centre du Sahel, dans la région des « trois frontières » (Niger, Burkina Faso, Mali), les familles vivent au quotidien une situation dramatique : les attaques de groupes insurgés, les inondations et la pandémie de Covid-19 forcent des millions de personnes, dont 1,1 million d’enfants, à fuir. 

En moins de 2 ans, le nombre de déplacements internes a été multiplié par 20. 6 millions de personnes supplémentaires ont basculé dans l’extrême pauvreté en raison des confinements liés à la pandémie. 

L’ONG Plan International alerte : les gouvernements doivent mettre l’accent sur la protection de tous les enfants, en particulier les filles et leur  accès à une éducation sûre, de qualité, et aux services de santé de base. 

Notre réponse au Burkina Faso 

Au Burkina Faso, les programmes d’éducation d’urgence de l’ONG Plan International ont aidé plus de 95 000 enfants grâce à des bourses, des parcours d’école accélérée et d’hygiène menstruelle.  Dans le détail :

L’ONG Plan International France lance le projet BASE pour améliorer l’accès à une éducation de qualité, sure, inclusive et sensible au genre.

Le programme vise à assurer  la continuité de l’éducation de qualité pour 32 050 filles et garçons (6-15 ans) déplacé·e·s et affecté·e·s par la crise sécuritaire et la pandémie de Covid-19.   

« Au début, j’étais terrifiée car je n’étais jamais allée à l’école. Mais maintenant, je suis heureuse car je réussis » raconte Yampiou, 12 ans, qui vient d’obtenir son diplôme du centre d’apprentissage accéléré de Plan International au Burkina Faso.

Il y a quelques mois, Yampiou ne parlait presque pas français. Lors d’une session de sensibilisation menée par l’ONG sur l’accès à l’école primaire, sa famille décide de l’inscrire dans un centre d’apprentissage accéléré. 

Au départ, le père de Yampiou doutait de l’efficacité de ce programme : « Comment une fille qui n’a jamais été à l’école peut parvenir en classe de CE2 au bout de 9 mois ? Mais elle a insisté. Aujourd’hui, toute la famille est très fière de son travail.»

« Lorsque les cours ont débuté, notre professeure nous expliquait de ne pas avoir peur. Elle nous encourageait surtout nous, les filles, en nous disant de travailler dur et de prendre de l’avance sur les garçons. J’étais parmi les meilleurs élèves de ma classe ! », explique Yampiou qui a hâte de reprendre ses études lorsque les écoles rouvriront pour la prochaine année scolaire.

Plus de 6 230 enfants ont bénéficié de ce programme de Plan International cette année. 86  % d’entre eux doivent réintégrer le système éducatif  burkinabé l’année prochaine.

Notre réponse au Mali

Au Mali, Plan International considère l’éducation comme une priorité dans la réponse à la crise. enfants. Les programmes comprennent :

« J’étais en CEI quand des bandits armés nous ont menaces près de l’école. C’était en 2018. Tous les enfants du village ont dû arrêter l’école. Souvent, nous étions enfermés à la maison sans pouvoir sortir pendant 2 ou 3 jours », se rappelle Kadidia, 11 ans. Comme beaucoup d’enfants de son âge, les attaques dans la région de Mopti, au centre du Mali, ont forcé sa famille à fuir.

Réfugiés dans la région de Koro, près de la frontière avec le Burkina Faso, Kadida et sa famille vivent désormais en sécurité.  « Ma fille a beaucoup souffert de ne pas aller à l’école pendant cette période », confie son père. Il a inscrit Kadidia et ses frères dans le centre d’apprentissage de l’ONG Plan International. 

« Je suis heureuse que mes parents me soutiennent tous les jours. Le directeur du centre s’assure que puissions retourner à l’école comme nous le faisions dans notre village. Dorénavant, je n’ai plus peur », affirme Kadidia.

Malgré la réussite scolaire de Kadidia, sa famille demeure confrontée à des difficultés majeures. « Nous pouvons à peine manger 2 fois par jour. Nous avons tout perdu dans notre village. Nous avons besoin de vêtements et d’autres équipements. Ma mère a également besoin d’aide pour continuer son activité économique », déplore Kadidia.

Au Mali, les attaques contre les écoles se multiplient. L’insécurité et la violence menacent le future des enfants, en particulier des filles. Sans accès à l’éducation, toute une génération risque de grandir privée  des compétences nécessaires pour contribuer au développement du pays.

Télécharger le rapport Les filles dans la crise : voix du Sahel

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