Crise du lac Tchad : des filles forcées à se marier

Luwum a 17 ans. Il est bénévole pour l’ONG Plan International, dans une région du Lac Tchad victime d’attaques du groupe djihadiste Boko Haram. Tous les jours il se bat pour redonner goût à la vie aux enfants et surtout pour empêcher les mariages forcés et grossesses précoces dont sont victimes les filles.

TOUTE UNE GÉNÉRATION PERDUE

Originaire du Niger, Luwum, adolescent de 17 ans, et sa famille sont partis vivre au Nigéria. Il avait 6 ans et allait à l’école. « La vie était belle au Nigéria, nous mangions les légumes et les fruits frais des vergers et du millet. »

Luwum avait 14 ans quand lui et sa famille ont dû fuir le Niger, après que leur village a été attaqué par Boko Haram. Il n’a pas pu retourner à l’école.

« Il n’y a pas d’école ici, beaucoup d’enfants n’ont jamais vu un professeur ou été à l’école de leur vie. Je veux retourner à l’école mais je suis trop vieux. »

DES ENFANTS TRAUMATISÉS

Lorsque Luwum arrive dans le camp de Diffa au sud-est du Niger, les enfants se regroupent autour de lui, chantent des chansons et lui montrent leurs courses de petites voitures.  

C’est une scène de liesse peu commune pour cette région marquée par de violentes attaques de Boko Haram et en proie à un afflux massif de réfugiés venus du Nigéria.

Dans la plupart des villages, les enfants jouent près de leurs parents, ou de la personne qui les gardent pour ceux qui n’ont plus leurs parents. Le moindre mouvement inattendu est, pour eux, cause de suspicion et le signal qu’il faut se cacher.

Leurs peurs sont bien fondées. La plupart de ces enfants ont été témoins des meurtres violents de membres de leur famille par Boko Haram. Ils se souviennent de la terrible manière dont les « méchants » ont traité leurs sœurs, leurs frères et leurs parents, pour qu’ils ne les revoient plus jamais. Depuis, ces enfants sont en permanence effrayés.

IDENTIFIER LES ENFANTS EN DANGER

Luwum est un des rares garçons à rendre visite aux enfants dans l’espace pour enfants de l’ONG Plan International, à jouer et rire avec eux.

« Je suis bénévole pour Plan International. Je fais aussi partie du comité de protection des enfants qui aide à identifier les enfants en danger. Avec des travailleurs sociaux et des membres de la communauté, nous menons des actions de sensibilisation sur la santé et la protection des enfants », explique fièrement Luwum.

« J’organise des sessions de formation pour ma communauté avec l’aide des équipes de Plan International. Ensuite, je vais aider le personnel dans l’espace pour enfants. »

Grâce au programme d’urgence au Lac Tchad de l’ONG Plan International, Luwum et d’autres membres de la communauté ont été formés à identifier les enfants en danger ou en mauvaise santé.

« Nous enseignons aux enfants des choses de base comme la propreté, le respect et les bonnes manières. Nous les surveillons pendant qu’ils jouent », ajoute-t-il.

Selon le dernier rapport des besoins humanitaires du Niger de 2017, les attaques de groupes armés dans la région ont forcé plus de 300 000 personnes à fuir leur domicile dont près de la moitié sont des enfants en âge d’aller à l’école.

Dans cette région déjà appauvrie et en difficulté, les attaques ont entraîné la fermeture de 151 écoles et de nombreux enseignants sont partis vivre dans des endroits plus sûrs du pays.

Pendant que la plupart des écoles restent inaccessibles à cause des risques encourus, les cours qui y continuent d’être enseignés sont inadaptés aux nombreux enfants francophones qui arrivent dans le pays.

Luwum, francophone depuis sa naissance, est mieux formé que la plupart des professeurs nigériens. Pendant son temps libre, il a appris la langue Hausa, pour se faire comprendre de tous.

RESPECTER LES FEMMES

De la même façon qu’il s’occupe des enfants, Luwum a une autre mission, protéger les filles de sa communauté. Il se confie :

« La plupart des filles de 14 ans devrait se rendre dans les espaces pour enfants ou pour adolescents mais elles sont déjà mères. Toutes jeunes, elles se rendent alors, comme les adultes, aux formations pour prendre soin de leurs enfants, ce n’est pas normal.

« Je leur demande de défendre leurs sœurs et de respecter les femmes. »

Je n’aime pas voir des jeunes filles se marier avec des vieux hommes du village et passer leur temps à s’occuper des tâches ménagères.

Lorsque je parle avec les filles, je leur dis de toujours dire non à un mariage précoce et forcé. Je demande aussi à mes amis garçons de se battre à mes côtés contre ça et d’expliquer à leurs pères les dangers de marier leur fille trop jeune. 

Les garçons aussi peuvent subir de mauvaises influences. Ils sont tentés de jouer à des jeux dangereux et de se battre, comme le font les mauvais garçons.

Je les encourage à être tolérant et amicaux les uns avec les autres, à se comporter comme des frères. Je leur demande de défendre leurs sœurs et de respecter les femmes. »

Plan International intensifie ses actions en intervenant dans des zones isolées de la région du Lac Tchad au Cameroun, Niger et Nigéria.

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