Le Soudan du Sud traverse l’une des pires crises alimentaires au monde. Près de 4,9 millions de personnes, plus de 40 % de la population, réclament une aide humanitaire d’urgence. La plupart d’entre elles sont contraintes de se déplacer vers les pays voisins pour fuir la sécheresse et les conflits. État des lieux des besoins sur place et des actions de l’ONG Plan International.

Depuis le début du conflit qui secoue le Soudan du Sud en décembre 2013, plus d’un million d’enfants (un sur cinq) ont dû fuir vers l’Ouganda, l’Éthiopie, le Kenya, la République démocratique du Congo (RDC), la République centrafricaine et au nord, au Soudan voisin. 

Camps de réfugiés de l’État du Nil Blanc

L’ONG Plan International, présente au Soudan depuis 40 ans, a enregistré 380 000 personnes – adultes et enfants – fuyant vers l’État du Nil Blanc, au Soudan. Les populations trouvent refuge à quelques kilomètres de la frontière avec le Soudan du Sud. Depuis la mi-mars, les deux points d’entrée, Joda et El Meganis, enregistrent plus de 550 nouvelles arrivées par jour. En avril dernier, les huit camps de réfugiés de l’État du Nil Blanc ont accueilli 109 494 nouveaux entrants. Et l’on n’attend encore pas moins de 180 000 réfugiés en plus d’ici la fin de l’année. 

Plan International, en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), se mobilise pour accueillir les populations déplacées en s’assurant notamment de la disponibilité des terres. L’ONG fournit une assistance aux enfants : rien qu’au mois d’avril 2017, les statistiques biométriques du HCR ont recensé 6 766 enfants seuls dans les 8 camps.

Plan International rappelle que les enfants – particulièrement les filles – demeurent les premières victimes du conflit et de la famine.

Camps de réfugiés en Ouganda

Depuis décembre 2013, l’Ouganda, au sud, a accueilli 1 252 470 réfugiés, parmi lesquels 909 723 Sud-Soudanais. Entre le 1er janvier et le 18 mai 2017, ils étaient 254 570. Le pays voisin accueille également les réfugiés en provenance de la RDC et du Burundi. Le camp de réfugiés de Bidibidi au nord de l’Ouganda est d’ailleurs sur le point de devenir l’un des plus grands au monde (270 000), après celui de Dadaab au Kenya.  

Sur place, Plan International distribue aux enfants seuls et/ou non accompagnés de la nourriture (4 177 bénéficiaires), des vêtements, du  savon et des kits « dignité » pour les filles. L’ONG rappelle que 85 % des réfugiés sont des femmes et des enfants, dont 80 % ont moins de 14 ans. 

Depuis de le début de l’intervention humanitaire au Soudan du Sud, le 20 février 2017, l’ONG Plan International est parvenu à apporter l’aide matérielle suivante :  

Les guerres tribales, la violence intercommunautaire, le vol de bétail, la guerre civile et le déplacement des populations sont à l’origine de la crise alimentaire actuelle et de l’exacerbation de l’insécurité dans le pays. La malnutrition constitue l’effet le plus immédiat et le plus dramatique de la sécheresse sur les enfants âgés de moins de 5 ans. Le manque de nourriture entraîne également une diminution importante des aptitudes scolaires des élèves et augmente le taux d’absentéisme.

–    Plan International mène différents programmes de sécurité alimentaire, comme la distribution générale de nourriture qui permet de venir en aide à plus de 35 000 personnes. Cette attribution mensuelle d’une ration de 10 kg est composée de : céréales, haricots, fruits, huile et sel.

–    Le programme « Food for Education » garantit un repas quotidien aux enfants scolarisés dans les régions autour de Wulu et Rumbek est dans l’Etat du Lac Occidental au centre du Soudan du sud. Les jeunes filles scolarisées reçoivent une ration pour leur famille, incitant ainsi ces dernières à les maintenir à l’école. 

–    Les enfants et les femmes identifiés comme malnutris et sous-nutris reçoivent des compléments nutritionnels. Enrichis en micronutriments, ils contiennent du maïs, du soja entier, des haricots, du sucre et de l’huile végétale

Les violences sexuelles et de genre sont exacerbées par l’insécurité alimentaire : mariages précoces et forcés, viols, prostitution… Les filles ne peuvent plus aller à l’école et les garçons – âgés de 10 et 17 ans – deviennent des proies faciles pour les groupes armés, les gangs et les milices qui cherchent à les enrôler, particulièrement dans les régions de Pibor dans l’État de Boma (est) et de Gumuruk dans l’État de Jonglei (est).

L’ONG intervient en sensibilisant et accompagnant les enfants et leur entourage à travers, par exemple, des jeux thérapeutiques (résilience). Et en fournissant notamment des kits d’hygiène menstruelle, conçus pour les adolescentes exilées et en situation d’urgence, qui contiennent des serviettes hygiéniques réutilisables, des sous-vêtements, du savon pour laver habits et corps, de la vaseline, un seau, un sac, des mouchoirs et un coupe-ongles. Ces kits permettent de maintenir la dignité des filles et des jeunes femmes, particulièrement dans l’État de Boma (est) et dans celui des Lacs (centre), où les jeunes filles sont régulièrement contraintes de se cacher pour continuer à aller à l’école. 

Nombre total de bénéficiaires : 4 997

L’État des Lacs dispose d’un nombre très faible de classes maternelles et d’écoles élémentaires. En Equatoria oriental, beaucoup ont fermé. La cause principale reste l’insécurité qui règne dans ces régions : les enfants sont déscolarisés à cause de la faim, du manque d’eau, de l’insécurité et des longues distances. S’ajoutent à cela les mariages précoces et le coût élevé des matériels scolaires.

Plan International intervient en proposant des programmes d’éducation alternative dans les zones ciblées, ainsi que le recrutement et la sensibilisation des enseignants sur ces problématiques. 

Dans les régions de l’Equatoria Oriental et de Nimule au sud-est du pays, Plan International vient réhabiliter et de remettre en fonctionnement 5 écoles primaires qui bénéficient à 3 647 enfants (1676 filles et 1971 garçons) et 116 professeurs. Le programme permet la rénovation et la reconstruction de latrines séparées, l’accès aux lavabos pour l’hygiène et la création de zones de cuisine. La distribution de nourriture pour les élèves et les enseignants incite les familles à maintenir leurs enfants scolarisés. L’ONG fournit également du matériel scolaire, comme des cartables, des cahiers, des livres et des stylos. 

Nombre total de bénéficiaire : 28 255

Pourtant, la situation est loin d’être sous contrôle et de graves menaces persistent, faisant craindre le pire pour les mois à venir. 

L’accès humanitaire demeure restreint : la United Nations Mission in South Sudan (UNMISS) n’a pas eu accès à deux reprises à la ville de Pajok (sud) au sein de l’État d’Équatoria Oriental. La raison ? Un combat entre l’Armée populaire de libération du Soudan (Sudan People’s Liberation Army, SPLA) et d’autres groupes armés a entraîné le déplacement forcé de 6 000 personnes vers la région de Lamwo au nord de l’Ouganda. 

Une épidémie de choléra se propage également : 671 cas ont été reportés dans les États de l’Awerial et des Lacs depuis juin 2016. Depuis le 6 mars dernier, 117 nouveaux cas sont recensés, notamment dans le camp de Mingkaman (État des lacs au centre). L’arrivée de la saison des pluies à partir de mai-juin risque également de détériorer la situation et d’augmenter le nombre de cas de choléra. 

Plan International apporte une aide matérielle et humaine dans les États de Jonglei, des Lacs, de l’Equatoria centrale et de l’Equatoria orientale. Avec ses partenaires locaux, l’ONG fournit des programmes de protection, de sécurité alimentaire, de nutrition et d’éducation, sans oublier la distribution de produits alimentaires et non alimentaires.

© Plan International

La famille d’Ater n’a pas pu se nourrir pendant sept jours

© Plan International

Á seulement deux ans, Ruaidit Ater a déjà les joues bouffies, les yeux creux et le teint sans éclat d’un vieillard. Pourtant, il se développe comme un enfant normal. « Il s’assoit à  5 mois, commence à ramper à 7 mois et se tient debout à 11 mois. Mais, sa santé se détériore à cause de la famine », explique sa mère, Aman Nyitur. 

Aman est une mère célibataire de 30 ans. Elle ne peut subvenir aux besoins de ses six enfants. Elle a été contrainte d’envoyer ses trois aînés vivre avec des parents, faute de nourriture. La famille a déjà passé 7 jours sans manger, survivant de la seule cueillette des feuilles des arbres. De tous ses enfants, Ater est le plus malade.

Non loin de lui, la petite Bargel Peter Mabior, 4 ans, joue avec ses camarades de Marial Atit à Rumbek (centre). Tant bien que mal, car l’enfant souffre de malnutrition sévère et de constipation. Sa mère, Christine John, explique qu’elle n’est, dans le meilleur des cas, en mesure de nourrir sa famille de 7 personnes qu’une fois par jour : « Nous mangeons un bol de céréales bouilli toutes les 24 heures et parfois, nous cuisons les feuilles des arbres sauvages. » 

Christine élève seule ses enfants, car son mari a rejoint l’armée il y a 3 ans. Les jours où elle se sent la force, elle part couper du bois pour en faire du charbon. En le vendant, elle gagne juste assez d’argent pour acheter un demi-kilo de graines qu’elle fait bouillir avec de l’eau et du sel pour nourrir sa famille.

Ater et Bargel viennent de recevoir l’aide du programme de nutrition de  Plan International dans l’État des Lacs (centre). Ater, qui souffrait de malnutrition sévère, voit quotidiennement son état de santé s’améliorer grâce aux kits de micronutriments alimentaires – kit comprenant des sachets de 92 g de nourriture thérapeutique à base de pâte d’arachide Plumpy. « Il y a deux mois, j’avais perdu tout espoir, mais grâce à la distribution de nourriture par Plan International mon fils est désormais en meilleur santé », explique sa mère.

Akoi : « On ne vit pas, On survit »

© Plan International

Amokou Akoi, mère de cinq enfants, est enceinte de son sixième. La saison dernière, elle a perdu toutes ses cultures à cause de la longue sécheresse, obligeant sa famille à se nourrir simplement de feuilles sauvages et de noix de coco. Quant à leur bétail, il a été volé par des insurgés. « L’an passé, nous cultivions encore. Mais la période de sécheresse a frappé et toutes nos terres ont été brûlées par le soleil. On ne vit pas, on survit », résume-t-elle.  

Akoi est devenu le pilier de sa famille, depuis que son mari a fui le village de peur d’être enrôlé de force dans les combats intercommunautaires qui éclatent un peu partout au Soudan du Sud. Comme Akoi, elles sont des centaines de femmes à vivre seules dans les communautés rurales, quand les hommes sont partis avec le bétail à la recherche de nouveaux pâturages ou enrôlés dans des groupes armés. 

Le mois dernier, Akoi a reçu des compléments nutritionnels distribués par Plan International au centre de santé local. Toutes les deux semaines, elle reçoit deux paquets de céréales hypercaloriques grâce auxquels elle pourra préparer du porridge pour sa famille. 

Aman : « Nous n’allons plus nous coucher affamés »

© Plan International

À 20 ans, Aman est devenue mère de 5 enfants. Il y a deux ans, elle  a épousé Jacob, 43 ans, déjà père des 5 enfants, rendu veuf à la suite de la mort de sa première femme en couches. 

Aman raconte : « Lorsque mon père a accepté 25 bêtes de bétail pour ma dot, je ne pouvais pas refuser. L’honneur de ma famille reposait sur mon mariage. Nous n’avions rien à manger et c’était l’espoir d’acheter enfin de la nourriture à mes frères et sœurs. 

Depuis des mois, je ne parviens pas à alimenter mes enfants. Nous manquons de tout et nous avons épuisé les réserves. Jacob pêche quelques poissons et me rapporte de l’eau pour cuisiner.

Je n’ai personne vers qui me tourner et mes parents ne peuvent pas nous aider. Les enfants ne vont plus à l’école : ils n’arrivent pas à se concentrer le ventre vide. Le plus jeune pleure la nuit tellement il a des crampes d’estomac à cause de la faim. 

Heureusement, Plan International est intervenu. Nous sommes tous enregistrés comme bénéficiaires : tous les mois, chacun de nous reçoit du maïs, de l’huile, des lentilles ou des haricots et du sel. Cette portion ne permet pas de nourrir la totalité de notre famille pendant un mois, mais c’est un début.

Le poisson et les fleurs que rapporte Jacob, comme les feuilles vertes que je cueille parfois dans la forêt, nous aident à tenir un peu plus. 

Depuis le début de l’aide alimentaire, nos vies se sont améliorées. Les bonnes journées, je nourris ma famille avec deux repas et nous n’allons plus nous coucher affamés. »

100 VACHES contre la vie d’une fille

© Plan International

À Kapoeta, dans le sud-est du Soudan du Sud, Lezia vient de se marier à 17 ans. Quand son père a placé un chiffon au-dessus de la cabane familiale pour annoncer qu’il vendait ses filles, elle n’avait que 13 ans. Un habitant de la région, âgé de 32 ans a fini par proposer 100 vaches en échange de Lezia. 

La jeune fille devient sa seconde femme.

Si la vente est scellée, c’est parce que la famille souffre de la famine. Elle s’est déjà séparée d’une partie du bétail pour acheter de la nourriture. 

Son mariage prononcé, Lezia quitte son village natal pour assurer ses responsabilités d’épouse. 

« Ma vie n’est plus pareil depuis mon mariage : je ne peux plus rendre visite à mes amis. Je dois accomplir les tâches ménagères du matin au soir. J’ai été mariée pour un prix élevé, alors on en attend davantage de moi », raconte-t-elle.

Propriété de son mari, Lezia se voit, pour le symbole, scarifiée sur le ventre par des femmes âgées de la communauté. Et elle doit également se préparer à l’idée de mettre au monde 20 enfants pour combler les attentes de son mari. Elle s’explique : « Dans notre communauté, les femmes donnent naissance aussi longtemps que leur corps le permet. »

Depuis le début de la crise alimentaire, des centaines de jeunes filles sont contraintes d’abandonner leur éducation, afin d’aider leurs familles dans les tâches quotidiennes ou dans la recherche de nourriture. L’augmentation du risque de mariages précoces et forcés est exacerbée durant les périodes de famine car les familles acceptent de marier leurs filles en échange de bétails.

Le programme « Food for Education » de Plan International permet de garder les filles scolarisées au Soudan du Sud, en fournissant une motivation à leurs parents : des repas scolaires et des rations de nourriture à partager avec la famille entière.  

Contact médias :
Julien Beauhaire – 01 84 87 03 52 –
julien.beauhaire@plan-international.org

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