Agnès Sida, 18 ans, vit dans le camp de réfugié.e.s de Bidi Bidi en Ouganda avec son bébé, sa tante et ses cousins. L’année dernière, elle a abandonné l’école et est tombée enceinte. Heureusement, après avoir rejoint un groupe de soutien dirigé par l’ONG Plan International, elle s’est engagée pour l’éducation des filles et a créé son propre groupe de danse pour rassembler différents groupes ethniques et ainsi promouvoir la paix.

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LE CAMP BIDI BIDI : UN REFUGE

 « Mon père est mort en 2007 et ma mère, très âgée, vit dans le Soudan du Sud. Nous avons quitté notre pays en 2016, lorsque la guerre a commencé à Juba. Il y avait des coups de feu partout, jour et nuit. Nous avons vendu notre chèvre pour payer le transport afin de rejoindre Olego et y être recensé.e.s en tant que réfugié.e.s. Après avoir atteint Olego, nous sommes resté.e.s à Paragina (une colonie de Moyo) pendant deux semaines. Ce n’était pas facile, il n’y avait pas d’abri : quand il pleuvait, il pleuvait sur nous. Les gens attrapaient des maladies. Les enfants de mes tantes ont tous contracté le paludisme. Puis nous sommes arrivé.e.s ici, au camp de Bidi Bidi. 

Une fois arrivé.e.s, tout allait mieux. Le personnel du camp nous donne de la nourriture le 15 de chaque mois. Ma tante a même reçu une parcelle de terre. Je suis allée à l’école et je me suis fait une amie. Malheureusement, cette amie était mauvaise et m’a encouragée à sécher les cours. C’est à cette période-là que je suis tombée enceinte. 

A cette époque, mon oncle vivait avec nous. Lorsqu’il a eu des échos de ma grossesse, il m’a emmenée à la maison du père de mon futur enfant et m’y a laissée.  Or, au bout d’un moment, le garçon a disparu et il n’y avait plus personne pour m’aider. Après l’accouchement, ma tante a accepté de me laisser revenir à la maison. 

LE CAMP BIDI BIDI : UN CENTRE D’APPRENTISSAGE

Pendant la journée, je vais puiser de l’eau, je cuisine, je ramasse du bois à brûler, puis je me rends au centre d’accueil des enfants pour participer aux groupes d’entraide. C’est très important de faire partie d’un groupe de soutien : nous sommes formé.e.s à des compétences pratiques, pour nous aider dans la vie quotidienne. Surtout, nous sommes encouragé.e.s à rester à l’école, à ne pas tomber enceinte et à vivre une vie paisible. 

Hier, j’ai appris ce qu’est la violence sexiste. Je ne connaissais pas le terme auparavant. Nous devons être informé.e.s sur les violences afin d’apporter la paix à nos communautés. Dans le groupe de soutien, il est aussi très important de ne pas garder ce que l’on sait pour soi mais de les transmettre au reste de notre communauté. 

Si je vois des jeunes se battre, boire de l’alcool ou abandonner leurs études comme moi, je leur conseille toujours de retourner à l’école. Je vois beaucoup de personnes abuser de l’alcool dans ma communauté : il y a beaucoup de bagarres dans mon village. 

De nombreuses filles ont abandonné l’école, forcées de rester à la maison ou bien de se marier. D’autres encore sont tombées enceintes, dont l’une à l’âge de 15 ans. Elle a dû arrêter ses études : sa famille est pauvre et ses parents n’ont pas les moyens de l’envoyer à l’école. 

LA DANSE : UN VECTEUR DE RESPECT ET DE PAIX 

J’ai commencé à danser très jeune. J’ai appris avec des personnes plus âgées. Ma passion pour la danse traditionnelle m’a poussée à créer un groupe. Les enfants venaient écouter, danser et oublier leurs problèmes. Je veux apporter la paix aux familles dont les enfants se battent et se comportent mal. 

Il y a différents groupes ethniques dans le camp : les Nuer, les Dinka et les Acholi. Grâce à la danse traditionnelle, les trois groupes se sont réunis. C’est important pour moi que toutes ces personnes dansent ensemble car à leur retour dans le Sud du Soudan, elles se souviendront avoir fait cela en Ouganda et le montreront à leurs proches. Nous espérons que cela apportera la paix. 

L’ECOLE : LA CLE DE L’EMANCIPATION

Je dirais à toutes les filles de rester à l’école.

Avant que la guerre ne commence et que je ne tombe enceinte, je voulais faire des études et devenir quelqu’un : un médecin, un professeur ou bien une infirmière. Malheureusement, mes projets d’avenir ont disparu lorsque je suis tombée enceinte. 

Si quelqu’un pouvait s’occuper de mon bébé, j’aimerais retourner à l’école. Ma tante ne peut pas m’aider car elle a également un enfant en bas âge, en plus de devoir s’occuper de toutes les tâches ménagères. Si l’école était plus proche, je pourrais y retourner pour le second semestre. 

J’aime la vie que l’on mène à Bidi Bidi, notamment pour la gratuité de l’enseignement. Cela change du Soudan du Sud où il faut payer des frais de scolarité. Ici, on nous donne des livres, des stylos et les filles reçoivent des seaux, de la soupe et des serviettes hygiéniques. L’Ouganda est aussi plus sûr que le Soudan du Sud : on peut marcher jusqu’à la ville de Yumbe, même la nuit, alors que là-bas on ne peut aller nulle part sans crainte.

Comme ma cousine commence à mal se comporter, je la pousse sans relâche à poursuivre ses études car je ne veux pas qu’elle ait le même parcours que moi. Il est très important pour les filles de rester à l’école : si vous travaillez dur, vous pouvez même devenir présidente. ».

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