Plan International France a profité de son passage en Fondation Reconnue d’Utilité Publique pour attirer l’attention sur l’engagement des jeunes aux politiques et aux décisions qui les concernent. Retour sur une journée de tables rondes et de témoignages.

Le 31 janvier dernier, les jeunes ont pris la parole au Sénat à l’occasion du passage de Plan International en Fondation Reconnue d’Utilité Publique. Autour de tables rondes, des intervenants du monde entier se sont exprimés sur leur engagement. Objectif : convaincre les décideur·euse·s d’intégrer davantage les jeunes aux décisions et aux politiques publiques qui les concernent et qui engagent leur avenir. Plus encore que des bénéficiaires, il s’agit d’en faire des acteur·rice·s de changements.  

La sénatrice et secrétaire de la commission des Affaires étrangères, Joëlle Garriaud Maylam, le directeur général adjoint de la Direction générale de la mondialisation au ministère des Affaires étrangères et du Développement internationale, Gautier Mignot, et le président de la fondation Plan International France, Pierre Bardon, accueillent la salle, comble pour l’occasion. 

71 % des jeunes ont envie de s’impliquer davantage pour aider les jeunes des pays en développement

Après les propos liminaires de circonstance, c’est au tour de Céline Bracq, cofondatrice de l’institut d’étude Odoxa, de prendre la parole. Elle a interrogé les Français·e·s, notamment les 15-24 ans, sur leur activisme dans l’Hexagone, ainsi que vis-à-vis de la jeunesse des pays en développement. Les enseignements sont forts : 7 jeunes sur 10 se sentent mal informé·e·s sur la situation des jeunes des pays en développement, qu’elles et ils trouvent d’ailleurs préoccupante. 77 % d’entre elles et eux considèrent que l’avis des jeunes n’est pas suffisamment pris en compte et 71 % ont envie de s’impliquer davantage pour aider les jeunes des pays en développement. Enfin, un·e jeune sur deux serait prêt à faire du bénévolat sur le territoire français. Les tables rondes qui suivent illustrent d’ailleurs bien ces tendances.

  L’engagement des jeunes est un levier du bien-vivre ensemble . Gautier Mignot

Trois tables rondes et un message essentiel

Trois tables rondes s’installent, qui mêlent les jeunes et leurs accompagnateur·rice·s, membres d’ONG avec lesquelles elles et ils collaborent. La première porte sur la participation des jeunes dans les programmes et les politiques de santé sexuelle et reproductive. Les difficultés des filles à avoir accès à la contraception et les inégalités de genre au Brésil, ainsi que les questions de planification familiale au Burkina Faso sont débattues. 

La deuxième, sur la participation des jeunes en contexte de crise, présente la mobilisation des filles et des garçons pour combattre l’épidémie d’Ebola en Sierra Leone, mais aussi la mobilisation des réfugiés pour faire entendre leur propre voix et, enfin, la mise en place de programme avec la jeunesse nigérienne pour résoudre les tensions communautaires au sein du pays. 

La troisième et ultime table ronde de la journée traite des leviers et des freins à une participation réussie des jeunes dans les programmes et dans les politiques de développement, tout en mettant en avant quelques-unes des organisations qui travaillent avec des jeunes (lire l’encadré : Entretien avec Sandra Melonen,SFCG).

Tout au long de la journée, ces intervenant·e·s prennent place et relaient un message essentiel : la jeunesse n’est pas simplement le futur, elle est aussi le présent.  

La jeunesse, c’est une force réelle. […] Encadrer la jeunesse et vous aurez un futur sûr. Abdoul Karim Maman (Niger) 

Que ce soit l’exemple de la jeune Luana (lire l’encadré : Portrait d’une jeune militante brésilienne), qui se bat pour l’égalité d’accès des filles à la médecine sexuelle et reproductive au Brésil, le vif Kamanda (lire l’encadré : Entretien avec Kamanda Kamara) qui a participé à la lutte contre Ebola dans son pays, ou encore Karim, jeune réfugié syrien installé en Allemagne militant activement pour aider les autres réfugiés, tous ont quelque chose à apporter aujourd’hui : leur témoignage prouvent que les jeunes à travers le monde agissent déjà efficacement pour des programmes de développement qui les concernent. Reste que cette participation doit être renforcée et généralisée.  

En nous aidant les uns les autres, on peut aller beaucoup plus vite. Karim Albrem, (Syrie)

Un message donc et une journée à l’attention des jeunes, résumés par Kamanda de la Sierra Leone : « Vous pouvez faire la différence en ce monde ».

 

ENTRETIENS 

Abdoul Karim Maman (Search for Common Ground- SFCG)

Le Plan des Jeunes a rencontré Abdoul Karim Maman, militant pour les droits humains au Niger et enseignant à Niamey, à l’occasion des tables rondes organisées au Sénat le 31 janvier 2017 par Plan International France. Abdul Karim s’implique pour la résolution des conflits communautaires et l’émancipation des jeunes, aux côtés de l’ONG Search for Common Ground (SFCG) notamment. Il rappelle la problématique des conflits entre agriculteurs et éleveurs qui déchirent la population du Niger et démontre en quoi la jeunesse peut jouer un rôle dans le maintien de la paix.

Quelles sont les causes du conflit entre les agriculteurs et les éleveurs ?

Chaque communauté locale a sa réalité. Il est impossible d’indiquer une seule cause à tous les problèmes. Les agriculteurs veulent agrandir leurs champs et les éleveurs recherchent plus d’espace pour leurs animaux. Qu’est-ce qui se passe ? Les deux ont un intérêt commun: le terrain. Mais il n’y a pas de dialogue et c’est la base du conflit. Des agriculteurs se permettent de planter dans les zones où c’est interdit à cause de la sécheresse. Ces zones sont dédiées aux éleveurs. Avec la population qui augmente, le problème devient une question brûlante. Parfois, ce sont les éleveurs qui permettent à leurs animaux d’entrer dans les champs. Chaque communauté essaie de défendre ses intérêts et sa parcelle de sol sans dialogue et sans vraie solution.

Quel est l’impact du changement climatique sur la situation ?

En fait, c’est énorme.  Au Niger il est difficile de trouver des endroits où il pleut. Au maximum, les précipitations s’étalent sur trois mois. Si les mois sont bons, cela nous permet de pouvoir cultiver et d’avoir quelque chose à manger. Ces derniers temps, la pluie ne vient pas. Il y a une mauvaise répartition : certaines parties du pays concentrent beaucoup de pluie et d’autres rien. Il n’y a pas assez de nourriture et l’on évoque une crise alimentaire. Ce n’est pas parce que la population ne veut pas travailler. C’est le réchauffement qui est à la base de ce problème. Malgré nos efforts, le Sahara s’agrandit et les canicules se multiplient avec des températures qui atteignent de 50°c.

Comment les jeunes sont-ils encore impliqués ?

Nous sommes des exemples pour les autres.
On organise des débats, des conférences, des activités sportives. Nous essayons de les former comme les nouveaux leaders. Nous voulons qu’ils fassent quelque chose eux-mêmes. Tout cela pourrait contribuer à leurs vies et à leurs communautés. Nous sommes des exemples pour les autres. C’est à nous de leur donner l’envie de se battre.  

Sandra Melone (SFCG)

Sandra Melone est la vice-présidente exécutive de Search for Common Ground (SFCG). Cette organisation non-gouvernementale, fondée en 1982, se consacre à la prévention et la résolution des conflits. L’occasion de revenir sur une mission partagée : celle d’impliquer davantage les jeunes et de placer leur contribution au cœur de l’action.

Pourquoi les jeunes doivent-ils être plus impliqués dans les décisions qui les concernent ?  

D’abord, je pense que la jeunesse concentre la majorité de la population dans la plupart des pays. Ils ne représentent pas que le futur, mais aussi le présent. Notre tradition en Occident, et dans la plupart des régions du monde, est de nous attendre à ce que la jeunesse soit silencieuse et doive parfois subir les décisions qui l’affectent profondément, mais qui ne sont pas les siennes. Sans qu’on lui demande son opinion. Sans qu’on lui demande ce qu’elle ressent. L’histoire de l’humanité démontre que ce n’est peut-être pas la meilleure approche. Lorsqu’on veut vraiment créer des sociétés solidaires, unies et pacifiques, c’est l’entièreté de la population – les hommes, les femmes, les jeunes et les anciens – qui doit être impliquée.

Quelles sont les modalités de participation des jeunes au sein de SFCG ? Est-ce que vous les interrogez pour prendre en compte leur avis ? Avez-vous créé des groupes de jeunes similaires à ce que Plan International a développé avec les Youth Advisory Panels (conseils consultatifs de jeunes) ?

Absolument ! Non seulement nous leur posons des questions, mais nous les interrogeons aussi sur leurs propres problèmes et sur les questions qu’ils veulent poser. Qu’est ce qui leur arrive ? Que pensent-ils de certaines solutions ? Pourquoi, selon eux, les gens en viennent à la violence ? Pourquoi est-ce que certains d’entre eux décident de faire partie d’un groupe armé ? Qu’est ce qui pourrait transformer leur vie ? Nous essayons réellement de travailler avec les jeunes. C’est pour cela que nos actions sont davantage tournées vers les jeunes adultes que vers les enfants.

Kamanda Kamara

(Plan International Sierra Leone)

À 21 ans, Kamanda Kamara s’est déjà distingué par son militantisme aux côtés de Plan International, en faveur d’une plus grande prise en considération des jeunes par les pouvoirs publics. Il a été un grand acteur de la mobilisation des communautés de Sierra Leone et d’autres pays d’Afrique de l’Ouest pour combattre l’épidémie d’Ebola.

Pour beaucoup de groupes, nous, les jeunes, étions les seuls à les écouter et à proposer des solutions.

Quel est le plus grand frein à l’implication des jeunes dans les décisions qui les concernent en Sierra Leone ?

En Sierra Leone, il est essentiel de changer les mentalités. De manière générale, les jeunes sont considérés comme associés à la violence. Nous, jeunes, nous devons changer cette mentalité : nous devons agir et être ces acteurs du changement.

De quelles façons et dans quel but les jeunes se sont-ils mobilisés durant la crise Ebola en Sierra Leone ?

Lorsque la crise Ebola est apparue en Sierra Leone, nous nous sommes réunis et organisés. Nous avons tenté de nous faire entendre grâce à la radio, mais c’était très difficile. Nous avons ensuite commencé à créer des blogs afin de communiquer directement sur les moyens d’éviter la contamination par le virus. Nous sommes également parvenus à aller au contact de nombreuses communautés pour les sensibiliser et leur fournir du matériel. Pour beaucoup de groupes, nous, les jeunes, étions les seuls à les écouter et à proposer des solutions. Enfin, nous avons aussi offert une certaine forme de soutien psychologique à tous ceux qui ont été affectés par l’épidémie.

Quelle a été la réaction du gouvernement face à cette mobilisation ?

Tout au long de notre action, nous avons pu bénéficier du soutien de Plan International. À partir des données recueillies, nous nous sommes directement adressés au gouvernement qui a fini par nous écouter. Nos recommandations ont été adoptées sous la forme d’une stratégie de réponse à Ebola. Au cœur de cette stratégie, on retrouve nos méthodes : la rencontre directe avec la population afin de mener un travail de prévention et de sensibilisation. Méthode également utilisée dans d’autres pays touchés par le virus, tels que le Nigéria et le Libéria.

Quel message souhaiteriez-vous adresser à la jeunesse française ?

Je suis très impressionné par tout ce que la fondation Plan International France entreprend pour que la voix des jeunes se fasse davantage entendre. Je tiens à saluer tout particulièrement l’initiative du conseil consultatif des jeunes. Plus généralement, je souhaite dire aux jeunes français qu’ils ont tout le potentiel pour initier le changement. Il ne faut pas avoir peur des générations ultérieures. Les jeunes doivent parvenir à les regarder dans les yeux et à faire passer leurs messages. Il est essentiel aujourd’hui de mettre en place des plateformes qui permettent à la jeunesse d’y participer pleinement.

Je me bats pour mes droits !

Portrait d’une jeune militante brésilienne: Luana Barbosa Paiva, 18 ans

Dix-huit ans. C’est l’âge de Luana. Cette jeune Brésilienne a traversé la moitié de la planète pour venir témoigner de son engagement au Sénat, à l’occasion de tables rondes organisées par la fondation Plan International.  C’est par une intervention de Plan International Brésil dans son école que Luana découvre l’ONG et décide de s’engager. C’est là qu’elle prend conscience de toutes les violences qu’elle subit malgré elle, « seulement parce qu’elle est une fille ». Une collaboration s’entame. Le but ? Que chaque fille de son pays ait accès à la médecine sexuelle et reproductive. Pourquoi ? Pour stopper les stéréotypes et montrer que les femmes ne sont pas uniquement bonnes à faire la cuisine. Et pour que la culture du viol cesse enfin !

Avec le mouvement « Les Filles du Brésil », elle encourage l’égalité entre les genres, l’accès de toutes les filles à la contraception et la lutte contre les violences de genre. Ses actions passent par des interventions de sensibilisation dans des écoles ou encore sur les réseaux sociaux. 

 Plus on a d’informations sur sa propre réalité, plus il est facile d’ouvrir des portes et de pouvoir réagir à l’échelle de sa communauté.

Pourtant, son action n’est pas unanimement approuvée, même au sein de sa propre famille. Certains de ses proches désapprouvent pour des questions de culture et de religion. D’autres commencent toutefois à comprendre pourquoi elle se bat. Certains de ses amis sont déjà impliqués dans cette lutte. Quant aux réticents, elle essaye de les convaincre petit à petit. 

Luana est une grande militante du haut de ses dix-huit ans. Que ce soit au sein de sa communauté ou de sa propre famille, elle se bat déjà tous les jours pour ce en quoi elle croit. L’égalité.  

 

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