Publié le 14 mai 2025
En Équateur, Erika, 21 ans, nous raconte qu’elle est l’une des premières femmes autochtones à étudier l’architecture à l’université. Ayant grandi dans une communauté traditionnelle kichwa dans la province de Chimborazo, elle n’aurait jamais cru qu’il lui serait possible d’obtenir un diplôme.
« Les femmes autochtones, pour la plupart, n’étudient pas. Beaucoup pensent qu’envoyer une fille à l’école, c’est gaspiller de l’argent. Pourquoi une fille étudierait-elle si elle doit rester à la maison pour faire le ménage, cuisiner et s’occuper des enfants ? »

L’enfance d’Erika bercée par le parrainage
Erika a grandi au milieu de la beauté naturelle et de la biodiversité des montagnes des Andes. Sa famille cultivait la terre et élevait des chèvres, des moutons, des vaches et des cochons d’Inde. « Nous nous levions tôt pour nourrir les moutons et traire les vaches. J’ai grandi dans les champs et j’étais heureuse de travailler la terre, car c’est la base de notre économie ».
À l’âge de 8 ans, Erika a été sélectionnée pour participer au programme de parrainage de Plan International. « Mon parrain vivait en Allemagne. Lui et sa famille m’envoyaient des lettres me racontant leur vie et leurs vacances, et de temps en temps ils m’envoyaient des cadeaux ; celui que j’ai le plus aimé était des crayons de couleur que je n’avais jamais vus auparavant ».
Erika aime être créative et a passé de nombreuses heures à peindre et à dessiner, souvent inspirée par les paysages andins qui l’entourent. « J’utilise le pissenlit pour le jaune, le vert vient des feuilles, le violet vient de la fleur de mauve et je trouve d’autres couleurs, comme le rose et le rouge, dans les fleurs d’altitudes. Elle confectionne également ses propres vêtements, brodant des blouses avec des fleurs et des motifs géométriques.
« Quand je veux un nouveau collier, j’enfile des perles dorées sur un fil de nylon. J’ai parfois fabriqué des bracelets et des boucles d’oreilles pour les envoyer à mon parrain en Allemagne. »

Un parcours éducatif porté par sa famille et soutenu par Plan International
Contrairement à de nombreuses familles kichwa, la famille d’Erika accorde une grande importance à l’éducation, tant pour les filles que pour les garçons.
« Mon père nous a toujours encouragées, mes trois sœurs et moi, à travailler. Il nous dit toujours que nous devrions profiter des opportunités qu’il n’a pas eues. »
C’était une autre époque, la famille de mon père était nombreuse, il avait 9 frères et sœurs, et ils devaient donc choisir entre manger et étudier. Mais il dit toujours : « Le savoir nous apprend à ne pas être insensibles, il fait de nous de meilleurs individus, une meilleure famille et une meilleure société ».
Encouragée par son père, Erika a travaillé dur à l’école et a obtenu de bonnes notes. Elle a même été nommée « porte-drapeau » après avoir obtenu les meilleures notes en dernière année. « Je n’ai aucun doute sur le fait que l’éducation est la voie à suivre, parce qu’elle m’a permis de grandir. »
La participation d’Erika à Plan International en tant que jeune leader lui a également donné l’opportunité de développer ses compétences. « J’ai voyagé en Angleterre pour planifier des activités avec d’autres jeunes et je suis allée au Canada pour la conférence « Les femmes donnent la vie », où les questions d’éducation ont été abordées. J’ai apprécié tous les pays où j’ai voyagé, je trouve fascinant de rencontrer des personnes différentes qui se battent pour des causes différentes, avec des visions différentes et des passions différentes ».
Après avoir obtenu son diplôme, Erika a reçu une bourse de Plan International pour l’aider à poursuivre ses études à l’université. Pour ce faire, elle a dû quitter pour la première fois sa maison située dans les montagnes pour s’installer en ville.
« Pour moi, aller à l’université signifiait un changement de mode de vie. Je suis passée de la paix et de la tranquillité de la campagne à une chambre en ville que j’ai louée avec ma sœur. La vie sans mes parents est différente et il faut s’y habituer. C’est pourquoi je me concentre beaucoup sur mes études, pour obtenir mon diplôme et faire en sorte que cet effort en vaille la peine pour nous tous », explique-t-elle.
Erika brise les stéréotypes et défend le droit des femmes
Ce n’est pas seulement à la vie urbaine qu’Erika a dû s’habituer, beaucoup de ses nouveaux camarades de classe n’avaient jamais vu une femme autochtone auparavant et elle a dû faire face à la discrimination.
« Les premiers jours, on m’a regardée bizarrement à cause de mes vêtements, mon chemisier, ma jupe longue et mes espadrilles. Parfois, j’étais mal à l’aise pour aller en cours. Outre mes vêtements, les gens se disaient que, parce que je venais de la campagne, je ne savais rien. Ils jugeaient mes capacités sans prendre le temps de me connaître ».
Bien que les débuts aient été difficiles, Erika a remarqué que ses camarades féminines étaient nombreuses à également subir d’autres formes de préjugés et d’abus en raison de leur manque d’estime d’elles-mêmes ou de l’insuffisance d’espaces où les femmes pouvaient s’exprimer et se soutenir mutuellement en toute sécurité. Utilisant ses compétences en leadership, Erika a décidé de défendre les droits des femmes dans son université.
« Petit à petit, elles se sont intéressées à ce que je disais. Je leur ai parlé des grossesses chez les adolescentes et je leur ai expliqué qu’elles pouvaient dire « non » si elles se trouvaient dans des situations d’abus. Beaucoup n’ont pas montré d’intérêt, mais d’autres ont décidé de changer. Les hommes aussi ont appris ce qu’était la culture machiste et veulent changer leur comportement », explique Erika.
« Dans ma famille, il n’y avait pas de culture machiste parce que mon père a suivi les cours de formation pour adultes organisés par Plan International. Il a toujours voulu apprendre, même en dehors de la communauté. Mon père a grandi dans la violence domestique, mais il a toujours refusé de « faire comme son père », une phrase typique qui perpétue le cycle de la violence au fil des ans. »
Une voix pour les filles en Equateur
Erika utilise souvent les compétences qu’elle a acquises en participant à des activités organisées par Plan International et aime partager avec ses camarades de classe ses expériences avec l’organisation.
« En 2015, j’ai eu l’occasion de participer au programme des jeunes ambassadeurs, dans le cadre duquel de jeunes leaders peuvent se rendre aux États-Unis pour assister à des conférences et vivre avec une famille sur place. Nous y avons appris ce qu’est le leadership et comment mettre en œuvre des projets pour nos communautés. Dans mon cas, j’ai conçu un programme de prévention des grossesses chez les adolescentes. Nous avons fait des activités liées aux questions de sexualité et élaboré des projets de vie ».
Consciente que la situation des femmes reste difficile en Équateur et qu’elle s’est aggravée depuis la pandémie de COVID-19, Erika est déterminée à continuer à lutter pour les droits des femmes et des jeunes filles, en particulier pour celles qui souhaitent accéder à l’enseignement supérieur et entrer sur le marché du travail en tant que professionnelles.
« J’ai dit à mes camarades de classe à l’université, et en fait à toutes les femmes de ma communauté, que nous devons élever la voix, que nous devons toutes collaborer, afin que d’autres femmes puissent nous entendre et changer leurss vies. Si nous pouvons aider une personne, cela en aidera beaucoup d’autres. »